Séparons l'homme de l'artiste !
Et Polanski remporta le César du meilleur réalisateur, sous
les bravos de la salle. Je ne sais pas si on a le droit d’admirer l’homme, mais
on peut admirer ce magnifique bras d’honneur fait par le cinéma aux bien-pensants.
Pardon… Aux victimes de violences sexuelles, je voulais dire.
J’aime beaucoup cette idée de séparer l’homme de l’artiste. D’ailleurs
en prison, on devrait faire des quartiers séparés : d’un côté les hommes,
de l’autre les artistes.
Et je trouve que, durant les procès, cela devrait être une
ligne de défense pour les avocats : « Bon, d’accord Monsieur le juge,
mon client a violé quatre enfants et a diffusé la vidéo sur Internet. Mais enfin !
Regardez cette lumière, ce cadrage… Vous ne pouvez pas nier qu’il a une âme d’artiste,
tout de même ? »
Cela devrait devenir un réflexe. Avant de condamner, avant
de vérifier le casier judiciaire, on devrait d’abord faire une perquisition chez
les accusés, pour vérifier s’ils ne cachent pas, quelque part, un petit crayonné
au fusain de derrière les fagots, ou une poésie qu’ils auraient écrite enfant.
Imaginez ! Si on s’apercevait dans des années qu’en fait, Nordhal
Lelandais avait un tel sens de l’esthétique, qu’on est passé à côté d’un
photographe de génie. Comment pourrions-nous nous regarder en face d’avoir osé
priver le monde d’un tel talent en l'enfermant juste parce qu'il a violé et tué une fillette ?
Alors, je vous vois venir. Vous allez me dire : Hitler
(Oui, je trouve que je n’ai pas assez de points Godwin dans mes écrits) !
Bon, d’accord, Hitler, c’est un loupé. Malgré son passage en prison et ses talents
de peintre, nous dirons que son œuvre, bien qu’elle ne soit pas passée
totalement inaperçue, n’est pas, à proprement, parler, un chef d’œuvre artistique.
Mais si, à l’époque, nous avions séparé l’homme de l’artiste et qu’il avait pu
aller dans une prison spéciale, échanger avec ses pairs, se perfectionner aux
techniques d’aquarelle… Peut-être aurait-il embrassé une carrière artistique mondiale au
lieu d’embraser le monde.
D’ailleurs, j'espère que si, un jour, je me retrouve accusée
d’avoir torturé des chatons ou fait brûler vif mon nain qui venait de m’annoncer
qu’il aimait Jul, on se penchera sur mes écrits. Qu’on se dira « Bon, d’accord,
ses actes sont affreux, mais quand même, elle a du goût en musique. Et puis,
elle a un petit talent pour l’écriture. Allez ! On la met dans le quartier
des artistes, ça ne peut pas lui faire de mal. De toute façon, elle est trop
vieille pour Matzneff. »
Ça aurait de la gueule ! Après tout, cela fait
tellement longtemps que certains artistes sont déconnectés (Si, si, ils sont
déconnectés : vous avez vu comment ils s’habillent ? Vous avez vu ce
qu’ils mangent ? Vous avez vu les canons qu’ils se tapent ? Alors ?...)…
Ne serait-il pas temps de penser sérieusement à leur donner un statut à part ?...
Qui sommes-nous, simples mortels, pour oser juger ces êtres dont l’art nous
ébloui ?
Finalement, c’est juste ça qu’a fait l’académie des Césars
hier : ils ont définitivement séparé les hommes des artistes. D’un côté,
le monde du cinéma français, de l’autre, la vie.
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