[Fiction] Eve croque, mais Adam garde la pomme ?


Adam regardait Ève avec un désir grandissant. Comme elle était appétissante ! Ses courbes, sa peau lisse, la promesse qu’elle semblait porter en elle de douceur... 
Ses yeux étaient aimantés par cette pomme rouge qui luisait et brillait au soleil. 

Ève avait croqué dedans à pleines dents. Elle avait fermé les yeux. Elle semblait ressentir un plaisir inavouable, incompréhensible. Elle passa la langue sur ses lèvres et ouvrit les yeux. Son regard brillait. 

« Qu'est-ce que c'est bon ! C'est délicieux. Et c'était là, sous notre nez depuis tant de temps ! » Son regard se posa sur Adam, comme si elle le découvrait pour la première fois : « Tu es très bel homme, tu sais ? Un corps parfait. » Adam fut quelque peu décontenancé par cette remarque. 
Elle enchaîna : « Tiens, goûte, c'est divin !
- Mais enfin, cela nous est interdit ! 
- Je le sais bien. C'est tellement bon ! Dieu doit penser que nous ne laisserons plus un fruit sur l'arbre. Mais nous ne sommes pas des tartes ! »

Adam observait le jus qui s’écoulait de la pomme sur le doigt d’Ève. Elle lui tendit le fruit : « Goûte ! Ça ne va pas te tuer... ». Il prit la pomme de sa main et la croqua à son tour. Ève avait raison ! C'était doux, sucré. Il découvrait des sensations ignorées jusqu'alors... Il se délectait tandis que ses dents s'enfonçaient dans la chair du fruit, en arrachant un morceau dans un craquement satisfaisant. Il ferma les yeux lorsque le jus vint baigner sa bouche et sa langue, révélant un goût sucré et déposant au passage une légère acidité sur son palais. La chair qui cédait sous ses molaires lui offrait une fraîcheur douce et apaisante.

C’est à cet instant précis qu’il se souvint que tous ces plaisirs devaient lui être interdits : le propriétaire des lieux avait bien précisé que c'était le seul arbre dont Ève et lui n'avaient pas le droit de cueillir et de manger le fruit. L'angoisse lui serra la gorge et il déglutit d'un coup pour faire disparaître de sa bouche le morceau le plus vite possible. Il ouvrit les yeux, sa femme le regardait avec attention : « Bon sang, mais elle est toute nue ! » Cette révélation soudaine lui coupa la respiration au moment où le morceau de pomme passait ses amygdales : il l’avala tout rond, alors qu’une étrange chaleur lui envahissait le bas-ventre. Le morceau de fruit se coinça en travers de sa gorge. Adam se mit à tousser. Plus fort. De plus en plus fort, puis à émettre un sifflement bizarre. Il paniquait, incapable de penser, alors qu’il suffoquait. Ce maudit morceau de pomme était complètement bloqué ! Il voulait demander de l'aide à Ève, mais aucun son ne sortait de sa gorge obstruée. Heureusement, sa compagne comprit la gravité de la situation et lui asséna de grandes claques dans le dos pour lui faire recracher la bouchée qui l'étouffait. Ses efforts furent récompensés : au bout de trois longues minutes, la pomme se remit en mouvement et Adam pu l’avaler. Mais la bosse qu’elle avait formée sur son cou en se coinçant ne disparut pas. Il la touchait et la sentait sous ses doigts, proéminente.

Il entendit alors un son entre le sifflement, le feulement et le ricanement : un serpent, enroulé au pied de l'arbre le regardait se tordant de rire : « Tu as failli être tué par un fruit ! Tout ça parce que tu as vu que ta femme était toute nue ! Ah, ah, ah ! Mais quelle pomme ! Mais quelle pomme, cet Adam ! »
Vexé et très en colère. Adam lança sur le serpent la moitié de pomme qu'il avait encore en main. Le serpent se mit à rire de plus belle, rejoint par les autres animaux du jardin d’Éden, qui s'étaient rapprochés, attirés par les éclats de voix et de rire. Ève se mordait les joues pour ne pas céder à l'hilarité collective.
« Quelle pomme, cet Adam ! » se mirent à répéter tous en cœur les animaux. Plus honteux que jamais et pris d'une rage indescriptible, Adam partit en courant se réfugier derrière un buisson pour ruminer son humiliation. Il passait sa main de manière frénétique sur son cou : loin de s'estomper, la bosse avait gonflé et durci. Il enrageait : non seulement il s'était couvert de ridicule, mais en plus il allait en garder les stigmates à vie ?

Peu de temps après, il quitta, en pleurs, le Paradis dont il venait de se faire chasser avec sa femme. Il se retourna une dernière fois. Les animaux riaient : « Quel dommage ! On ne reverra plus cette pomme d'Adam ! » L’histoire s’était répandue comme une traînée de poudre et faisait tellement rire les habitants du jardin d’Éden qu'ils se la racontent encore de génération en génération. Et les hommes ont gardé cette proéminence sur le cou, cette fameuse pomme d'Adam.

Elle rappelle depuis à l'humanité tout entière que devant un corps nu, les hommes oublient ce qu'ils étaient en train de faire. Et que leur sang, bloqué par cet obstacle, irrigue alors bien plus vite le bas de leur corps que le haut...

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