Demain, j'influence !


« Je ne m’inquiète pas pour vous, vous allez rebondir ». 
Ça, c’est chouette. Non, c’est vrai, tous ces gens qui croient en moi. Qui sont sûrs que je vais m’en sortir. Retrouver un job en deux-temps trois mouvements (là ça devient plutôt deux longtemps, trois errements, mais ne pinaillons pas !)


Puisqu’a priori, je dois pouvoir y arriver, j’ai emprunté son trampoline à mon fils. Et j’avoue, rebondir, c’est sympa, comme sensation… Mais j’ai vite senti que je n’irai pas loin… Et que le dit trampoline étant limité à 50 kilos, je risquais la déchirure…



Puisqu’il semble que je sois capable « de rebondir, de trouver un nouveau projet », puisque mes « compétences sont indiscutables » et que mon « talent est confirmé » (« Bien que nous ne donnions suite à votre candidature, mais cela ne remet en rien en cause vos qualités » - Mais alors, pourquoi vous ne m’embauchez pas ?...),  je réfléchis à une reconversion. C’est tendance, la reconversion. C’est disruptif si on s’y prend bien, même ! Surtout si on décide qu’à près de quarante ans, en fait, on va partir faire un métier manuel dont on avait toujours rêvé, genre ébénisterie, alors que jusqu’ici, tout ce que tu avais fait, c’était tailler une branche en pointe avec un canif… Ou alors passer le permis poids-lourd, parce qu’il paraît que le permis se féminise, et en plus, Pôle Emploi te paie la formation, y’a de l’avenir ! Et quand y'a d'l'avenir, y'a du plaisir !



Et en même temps… 
Pourquoi se casser les pieds à suivre une formation, essayer d’apprendre des choses, alors qu’aujourd’hui, avec une webcam et une connexion internet, tu peux gagner de l’argent sans bouger de chez toi ? 
Ben quoi ? 
C’est pas un boulot, Youtubeur ?! 
Mais si, oh ! D’ailleurs, on ne dit plus Youtubeur, mais influenceur. 
Ah bah oui, parce qu’on influence, en fait. C’est-à-dire qu’on donne des conseils et des avis très pertinents sur des sujets qu’on ne maîtrise pas forcément. Par exemple, quand on est une fille de 19 ans qui s’ennuie un peu et qui aime bien se maquiller avec des fards à paupières hors de prix, on peut donner des conseils maquillage. Parce que comme ça, si au bout d’un moment, on a des copines qui regardent et qui s’abonnent et qu’à la fin tout ça, ça fait plein ge gens qui regardent... Eh ben on peut recevoir des produits de beauté des marques directement chez soi. encore plus fort qu'Amazon ! Ils arrivent à domicile alors que tu ne les as même pas commandés ! 

C’est pas le bonheur total, ça ? Passer des heures à faire de la pub gratos pour des grandes marques qui arrosent déjà la presse féminine pour qu’on parle d’elles (Pardon, non, que des spécialistes donnent un avis éclairé et impartial sur les produits qu'on leur offre toute l'année) ? Et en échange de ces dizaines d’heures, recevoir trois rouge à lèvres et se rendre compte qu’on est suivi ! 
Attention, digression : J'aime beaucoup cette expression... Ces filles trop fières de dire à tout le monde qu'elles sont trop suivies ! alors que.... Essayez un tant soit peu de les suivre quelques minutes sur le trottoir... Même si c'est pour essayer d'avoir un conseil sur votre dernier mascara, pas sûr que ça leur plaise... La magie d'Internet! Bref, on reprend où on en était. Suivez, un peu !
Et en échange de ces dizaines d’heures, recevoir trois rouge à lèvres et se rendre compte qu’on est suivi ! Qu’on est célèbre ! Qu’on est importante ! Qu’on a un rôle dans ce monde ! Qu’on arrive à influencer les tendances ! Une influenceuse, quoi ! Quoi ? Comment ça, influencée ?... 
Parce que les petites vidéos du début faites pour se faire plaisir avec ce qu’on trouvait dans la trousse de toilette de maman, c’est fini ! Pour faire plaisir aux marques qui te font te sentir importante et qui t’offrent des cadeaux, tu parles surtout d’elles. Et en bien !

« Mais non, je parle des produits que s’ils me plaisent, hein ! » Bien sûr ! Ceux qui te plaisent parmi tout ce qu’on t’envoie.

Mais je ne te jette pas la pierre : gagner un smic en se faisant plaisir et pouvoir vivre de sa passion, ça n’a pas de prix. Même pas celui d’un gloss framboise ! Même pas celui de faire tes 35h en 3 jours. C’est vrai, quoi quand on aime, on ne compte pas !


Allez, je suis convaincue ! Je pars de ce pas acheter de quoi me ravaler la façade, je mets ma webcam en marche, et je vous livrerai au passage quelques critiques littéraires et culturelles. Ben quoi ? C’est pas parce qu’on s’maquille qu’on est superficielle, et c’est pas parce qu’on n’y connaît rien qu’on ne peut pas en parler*. C’est même devenu un art !

*Attention, il y a une référence ici, à la limite du plagiat, mais gageons que l'auteur ne m'en voudra pas, ça tombait bien et je n'avais pas de chute...





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