Amours contrariées

 


« Je te déteste !

J’ai beau faire tout ce que je peux, m’occuper de toi, te soigner, te bichonner, prendre soin de toi… Je te fais des cadeaux, des vêtements, du maquillage, des weeks-ends sportifs ou détente… Je te sors, je t’accompagne dans tes efforts, je célèbre tes réussites… Quand je vois que quelque chose ne te va pas, je change de direction. J’essaie tout pour que tu te sentes bien, mais rien à faire ! Ça ne va jamais ! Ce n’est jamais comme tu voudrais, comme j’aimerais que tu sois, que tu te sentes. Je voudrais tellement que tu te sentes bien… Alors je sais, je pourrais laisser tomber. Arrêter mes efforts, t’ignorer, mais comment faire ? On sait tous les deux que ce serait pire que tout. On glisserait lentement, mais sûrement, ensemble, vers le pire. On se détruirait mutuellement. Alors voilà, on en est là : je te déteste !

Oui, je te déteste. J’ai bien conscience que tu le sais, maintenant. Depuis le temps qu’on se connaît et qu’on se pratique… Bien sûr, il y a eu de bons moments. Ça nous est arrivé d’être sur la même longueur d’ondes. Mais peu, si peu… Et toujours parce que j’ai décidé de lâcher prise, avant de le regretter amèrement par la suite. On a connu aussi quelques instants de grâce, de joie, mais au prix de combien de sacrifices ? Et pour quoi ? Pour en revenir toujours au même point. Cette haine tenace, viscérale, qui coule dans mes veines et me consume.

Alors je regarde ailleurs. Je vois toujours mieux, j’en convoite d’autres. Mais rassure-toi, je ne déteste pas que toi. Je déteste aussi ceux qui réussissent sans le moindre effort à arriver là où je ne serai capable de t’emmener. Je maudis mon manque de lucidité, de persévérance, de goût de l’effort. Je maudis ma gourmandise, mes écarts et mes excès que tu me reproches tout le temps. Mes moments de plaisir finissent toujours par se retourner contre moi, parce que tu me les fais tous payer. Parce que je sais bien que toi aussi, tu me détestes. Pourtant, nous sommes liés, à la vie, à la mort. Alors quoi ? On reste comme ça ? Je continue à vivre avec toi, ce poids mort qui me colle à la peau et qui squatte mon cerveau tous les jours ?

Parce que je me rends compte que jamais, je ne pourrais te regarder en me disant que tout va enfin bien entre nous. Que tu me vas comme un gant. Que je ne suis pas capable de te dire que je t’aime comme tu es, malgré tous tes défauts. Que je vois sur toi les cicatrices de mon histoire, parfois vilaines, mais parfois belles aussi. J’aurais tellement aimé pouvoir me regarder dans le miroir et te sourire, au lieu de sans arrêt détourner le regard, dégoûtée…

Mais tout ça, c’est fini. Je ne voulais pas en arriver là, mais tu ne me laisses pas le choix. Je sens bien que ça t’inquiète un peu. Moi aussi, tu sais. Mais la lame est bien affûtée, on va juste enlever le superflu. Qu’on puisse enfin s’aimer tous les deux comme on y aspire. Je vais supprimer les morceaux en trop de notre histoire, et on recommencera tout à zéro. »

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Faits divers.
Quelque part, le 20 décembre 2022.
Hier, à 10 heures, les pompiers ont fait une macabre découverte : une femme d’une quarantaine d’années s’est donné la mort en se mutilant le ventre et les cuisses au couteau de cuisine. Alertés par ses parents, chez qui elle devait se rendre la veille, les secours n’ont rien pu faire. Ils ont découvert le corps, gisant à terre devant son miroir. L’autopsie n’a pas révélé de traces de stupéfiants, d’alcool ou de médicaments. Une enquête est en cours pour tenter de comprendre les motifs qui ont pu pousser cette mère de famille, décrite comme enjouée, heureuse et joyeuse, à de telles extrémités.

 

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