Je peux pas, mon fils a rugby !

Eh ben voilà ! Il fallait s'y attendre...
Après un dimanche redouté de tous et qui s'annonçait comme un des grands rendez-vous de ce mois de mai, c'est la douche froide !
Bon, d’accord, c'est en grande partie à cause de la pluie, mais pas que ...
Et voilà que ça nous a gâché notre jour férié : il a fallu se remettre tranquillement de notre déconvenue, consoler nos enfants de la débâcle de la veille, les rassurer sur les échéances à venir...
Mais bon, difficile de trouver les mots quand on doit se rendre à l'évidence : on a beau leur dire qu'ils sont les meilleurs et les plus forts, ils ont quand même perdu...
Tous leurs matchs. Sauf un.
C'est cruel, le rugby pour les petits.
Ah bah oui, je parlais rugby, vous pensiez à quoi ? (Les élections, peut-être? Pffff... Broutilles, ça!)

C'est marrant comme le rugby, c'est une école de la vie dès tout petit.
Et la leçon qu'ils ont tous apprise en ce dimanche 7 mai, c'est qu'on a beau être doué, seul on ne fait pas grand chose. Il faut une équipe.
Et pour faire une équipe à 6 ans quand on n’a pas le permis pour aller au stade (ce qui arrangerait un certain nombre de mères de famille... Je vais d'ailleurs lancer une pétition pour que quand y’a tournoi le dimanche à 10h00, ils aient le droit de conduire), il faut des parents un minimum impliqués.
Vous allez me dire "qu'est-ce qui lui prend à nous faire la morale et à se la jouer super-maman-trop-impliquée-dans-les-activités-de-son-fils"?
Alors je vais vous mettre à l'aise tout de suite.
Les blogs, sur le thème "vis-ma-vie-de-maman", il y en a pléthore, très drôles et très bien écrits. Alors je ne vais pas en rajouter une couche.

Mais... Voilà.. Je suis une râleuse…
Et quand l'attitude des autres parents engendre pour toi des dimanches pourris, tu finis par en vouloir à la terre entière. Et donc… Tu râles. Enfin moi, je râle.

Déjà, ton réveil sonne à 7h00 le dimanche matin (7h00 un dimanche ! Moi !... Vous vous rendez compte de  l'abnégation qu'il faut ! Bon, d’accord.. En vrai il a sonné à 7h00, 7h10, 7h20, 7h30… )
Là, tu te fais violence, tu réveilles ton nain, qui râle parce qu'il est trop tôt. Et t'as beau être d'accord avec lui, tu es passée en mode "motivation" : "Allez, champion ! Tes copains comptent sur toi ! Ça va être super, ce tournoi !"

Bon, là, tu ne lui dis pas encore que ton premier réflexe a été de regarder par la fenêtre et de voir, avec horreur, une pluie fine tomber méthodiquement, inlassablement (j'avais des frissons rien qu'à l'idée de devoir sortir).
J'avoue, tu rigoles intérieurement, un peu ironique, en te disant que tu aurais bien aimé qu'il se réveille avec de la fièvre, histoire de rester chez toi peinard (là où tu ne rigoles plus, c'est quand tu apprends le lendemain qu'il y a des parents qui eux, ont eu moins de scrupules que toi, et que la pluie de 7h00 du matin a déclenché une soudaine épidémie de gastro chez les enfants... Et une grosse flemme chez les parents).

Mais bon... Il est content... Tu prends sur toi, tu l'emmènes, et tu passes ta journée à l'encourager, à le regarder (de toute façon, à peine l'as-tu quitté des yeux qu'un "Hé! Tu me regardes, hein, maman! " te rappelle à l'ordre).

La journée s'écoule, les matches s'enchaînent, et tu vois ton fils se décomposer au fur et à mesure de la journée parce qu'il perd à chaque fois.
Alors tu te dis que tu vas aussi encourager les autres joueurs de l'équipe (leur hurler dessus pour qu’ils se bougent, quoi, en fait). Mais là, tu t'aperçois que tu ne les connais pas, les autres... Et que ceux que tu connais et qui jouent avec lui d'habitude sont les victimes de la gastro foudroyante du petit matin...
Tu penses bien... L'hiver, c'est fou comme les parents se font moins violence pour motiver leurs enfants à aller s'entraîner ou à participer aux tournois... donc tu découvres qu'en fait, dans ce club, y'a le double d'enfants par rapport à ce que tu croyais. 

Résultat, à la fin de la journée, tu détestes tout le monde :
- L'arbitre qui ne valide pas les quelques essais que l'équipe de ton fils arrive péniblement à marquer.
- Le speaker qui te répète que "c'est promis le soleil arrive dans 30 minutes, on l'a commandé!"( mais arrête, avec ta blague de naze, ou je te fais bouffer ton micro !)
- Les éducateurs qui sont tellement blasés qu'ils ne savent même plus quoi dire aux mioches pour les encourager "Allez, les p'tits gars... On y va... On va bien finir par en gagner un, sur un malentendu, à l'usure, ça peut passer!".
- Les enfants qui n'ont plus envie de jouer parce qu'ils ne sont tellement pas venus à l'entraînement qu'ils ne savent plus quoi faire quand ils ont le ballon.
- Les enfants qui n’ont plus envie de jouer parce qu’ils vont à tous les entraînements et qui râlent parce que les autres les font perdre.
- Ton fils qui a choisi le rugby plutôt que le ping-pong, ou n'importe quel autre sport qui se joue en salle.
- Les éducs du club d'à côté qui encouragent leurs mômes avec une clope et un verre de bière à la main, alors que tu t'en prendrais bien une aussi, mais que toi, tu te dis que côté exemple, c'est pas super top...
- Ton mari qui est resté à la maison.
- Ton patron, qui n’a rien à faire dans l’histoire, mais tout le monde déteste son patron, alors il ramasse quand même, c’est cadeau, ça me fait plaisir !

Mais surtout, surtout... Tu détestes les autres parents.
Attention : pas ceux avec qui tu rigoles (parce que tu les connais bien :  ce sont toujours les mêmes qui passent leurs dimanches au bord des terrains et que tu croises à chaque entraînement).
Mais tous les autres. Tous ceux qui mettent leurs enfants à l'école de rugby comme on les met à la garderie : quand ça les arrange et quand ils en ont envie.
Et alors que tu pensais juste aller à un tournoi de rugby en mode pom-pom girl un peu âgée pour enfants de moins de 8 ans (en essayant d’encourager l’équipe mais de ne pas hurler trop fort non plus, pour que ton fils ne se tape pas la honte trop fort non plus), tu finis par réfléchir sur l'égoïsme.

Parce que tu te retrouves le soir avec des enfants dépités, des éducateurs (pas payés et debout aux aurores pour s'occuper de NOS mômes) dégoûtés, des parents frustrés... Et tout le monde mouillé !

Et tout ça pourquoi ? Parce que quand il fait un peu froid ou qu'il tombe un peu de pluie, ben ces parents préfèrent rester chez eux.
Et que quand ils reviennent la bouche en cœur avec leurs enfants-rois, faut les laisser jouer dans les tournois, sinon y'a scandale... Alors qu’ils n’ont pas le niveau et qu’ils n’ont rien suivi (Un peu comme moi en maths en fait. Sauf que j’insistais pas)… 
Et après, c’est à nous de gérer des enfants super déçus de leur journée et qui ont l’impression d’être des gros nuls parce qu’ils ont tout perdu (Et là, tu es blasée, parce que tu sais que déjà, ton dimanche était tombé à l’eau, mais qu’en plus, ça va durer une bonne partie de la soirée, alors que t’avais juste prévu de rentrer, de coller ton nain sous la douche, le coucher le plus rapidement possible et te vautrer tranquille et prendre une bière. Ou deux. Ou plus. Bref, c’est raté !).

Alors moi, je veux bien. Ok, c'est pas l'équipe de France. Ok faut qu'ils s'amusent et ça ne reste qu'un loisir.
Mais merde ! Sport collectif on a dit ! Co-llec-tif ! Et dans « collectif », il y a « colle » : ça veut dire que quand on s’est inscrit, on s’y colle !
Si chacun vient quand il veut, si on ne commence pas à transmettre à nos enfants le sens de l'effort, de la régularité, de l'engagement, l'esprit d'équipe, on va encore former une génération de gens qui ne pensent qu'à eux et qui vivent dans la facilité.

En plus, je ne les comprends pas, les mamans qui ne viennent ni aux entraînements ni aux tournois...
Y'a que du positif !
- Tu es au grand air.
- Y'a plein de papas rugby, dont certains ont même déjà divorcé, il ne te reste que la moitié du boulot à faire.
- Les éducateurs sont plutôt jeunes et mignons (Oui, c’est vrai, ils sont jeunes, voire très jeunes… Mais bon, faut se projeter ! N’est-ce pas Brigitte ?).
- Quand il fait beau, tu bronzes gratos.
- Quand il pleut, tu peux économiser 80 euros d’enveloppement dans la boue au spa.
- Quand il fait froid, tu peux te plaindre et montrer à tout le monde à quel point tu es une maman dévouée.
- Les petits s'entraînent en même temps que les grands de l'équipe Une : c'est les mêmes vestiaires et eux aussi ils se mettent tous nus pour se changer.
- Y'a toujours une buvette avec de la bière à foison, tu peux profiter sans passer pour un pilier de bar.
- Tu peux dauber avec d'autres mamans sur "les enfants des autres" et "les mamans pas comme nous".
- Si t'as pas envie de te cogner tout le tournoi, tu peux lâcher ton fils le matin et le récupérer le soir après avoir biiiien profité de ta journée sans lui.
- Tu peux profiter des entraînements pour aller faire du shopping (ou mater les joueurs de l'équipe une. Ou les éducs. Ou les papas. Ou tous ceux-là à la fois)

Et on sous-estime trop souvent le flux d’excuses intarissable que ça nous permet de brandir en toute occasion :
- Un déjeuner en famille ? Ooooh, j’aurais a-do-ré, c’est trop bête, je peux pas, mon fils a rugby !
- Des heures sup’ ? Ooooh, ça aurait été avec plaisir, vous savez à quel point j’aime mon job, mais c’est trop bête, je peux pas, mon fils a rugby !
- De l’aide pour ton déménagement ? Ooooh, j’aurais vraiment voulu t’aider, c’est trop bête, je peux pas, mon fils a rugby !
- Boire un verre ? Ooooh, ça tombe bien, je peux, mon fils a rugby !

Bref.
C’est quand même triste de voir que même un sport d’enfant est révélateur de notre époque.
On consomme, on zappe, mais on ne s’implique plus, on ne réfléchit pas aux conséquences d’une attitude individualiste sur un groupe.

Et ce sont les mêmes qui pourrissent l’ambiance générale par leur attitude égoïste qui partent après dans de grandes envolées lyriques sur le vivre-ensemble et regrettent l’ubérisation de la société… Mais dites donc… Je ne sais pas si vous aviez remarqué, mais nos enfants font du sport pour une somme modique, encadrés par des bénévoles qui viennent leur transmettre leur savoir, par passion, prenant sur leur temps, leur vie de famille, leurs loisirs, leurs…(Hop hop hop, ça ne nous regarde pas !).
Et derrière, parce qu’on a un peu la flemme, on se dit qu’ils z’ont qu’à se démerder, que nous on ne fait pas l’effort ?
Remarque, après tout, on a payé pour que nos enfants soient au club. Alors si on paie, on a bien le droit de décider si on y va, on est libre, encore, bordel !
Ben oui… Mais les éducateurs BÉNÉVOLES (je le rappelle, au cas où il y ait des blondes qui lisent ce texte… Pour celles qui savent lire… S'il y en a...) sont libres d’en avoir marre de s’investir pour des ingrats.
Eux aussi sont libres de faire autre chose ces jours-là...
Eux aussi sont libres de vous dire que vous exagérez.
Eux aussi sont libres de décider que vous garderez vos enfants à la maison (et ça, ça fait flipper).
Eux aussi sont libres de vous dire d’aller vous faire… (euh non, eux sont polis)

Mais voilà, eux ont librement décidé de transmettre leur passion, de s’engager, et truc de fou… de respecter une parole donnée et un engagement pris.

Et ça, dans une société où chacun tire pour soi, je trouve que ça mérite un profond respect et un grand merci. Alors, on dit merci qui ?!


Commentaires

  1. Et oui, c'est le même problème partout : les gens pensent à eux avant tout

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  2. Très jolies, très bien dit et ça transpire la sincérité xd

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  3. Ha! ha! I love this! So true! And, I got to practice my reading in French ❤️❤️

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  4. Un texte qui m'a tiré les larmes des yeux ! Surtout le passage sur les éducateurs très mignons xD non plus sérieusement c'est un très joli texte, très sincère et bien dérangeant pour ceux concerné mais qui pique bien ! Bravo

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  5. Bravo Delphine!!! Très bien écrit et vraiment le reflet de douces vérités �� j'y revois les 17 années d'abnégation pour mon club ou la seul satisfaction a était de voir quelques années après les gamins jouer en fed1, pro ou même internationale
    Très bien ��
    Bises

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  6. et oui!!! et même si il a 22 ans, je continue à dire: c 'est dimanche mon fiston a rugby!!!
    un texte qui met en valeur aussi, tous ces bénévoles ! et tous les autres qui se lèvent tôt un :dimanche !

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  7. Fabrice Gaignault15 mai 2017 à 10:03

    Très amusant et très sensible, votre billet.
    J'aime beaucoup !

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  8. Merci qui ? Merci D., pour ce regard, et ce texte qui tourne rond aussi bien qu'ovale.

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  9. Attention aux exceptions.

    Ma mère lorsque j'étais plus jeune, était divorcée avec un métier à fortes responsaibilités, donc elle ne comptait pas ses heures.
    Elle était réticente à me voir rejoindre un club pongiste à cause de ses dispos très limitées et de la masse travail qu'elle devait fournir. (au travail mais aussi à la maison)
    J'ai insisté énormement pour rejoindre ce club et j'ai eu raison d'elle.
    Elle n'a jamais pu nous emmener lors de tournois le week end, mais officieusement, elle s'était arrangée avec des parents d'amis d'enfance pour que ça se passe bien.

    Là où je veux en venir, c'est que dans certaines famille, le parent n'a pas la possibilité d'assumer ces responsabilités.
    Faut il du coup empêcher l'enfant de s'épanouir dans un sport ?

    PS: très amusant à lire en tout cas.
    On sent bien la détresse quand tout va mal ^^

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